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				Saint-Georges, Le 
				chevalier de
				
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						| Le 
						chevalier de 
						Saint-Georges (1745-1799) 
 Compositeur 
						afro-français,
 Violoniste, chef d'orchestre
 Virtuose du fleuret, Chef de brigade
 
							  
 | 
					
						| 
						 
						Concertos pour violon, Op. 
						5, Nos. 1 &2; Op. 3, No. 1; Op. 8, No. 9
 Jean-Jacques Kantorow, violon
 Orchestre de Chambre Bernard Thomas
 Arion 68093 (1990)
 
 
						
						Nous vous présentons une 
						nouvelle version de notre biographie du chevalier de 
						Saint-Georges.
 
 Les pages qui mentionnent les CD et l'article sur Gian 
						Faldoni, rival de Saint-Georges au fleuret, ont des 
						liens en haut de la page.
 
						  
							
							Si vous souhaitez lire d'autres développements sur 
							le chevalier de Saint-Georges, écrits pas Daniel 
							Marciano, vous pouvez visiter son site:
							
							www.chevalier-de-saint-georges.fr 
							  
						  | 
					
						| 
						Table des Matières
 
							  1 
							La Redécouverte2 Les CD
 3 Les Biographies
 4 Annales Historiques
 5 La Naissance
 6 
							La fuite
 7 L'enfance
 8 
							L'académie d'escrime
 9 Ecuyer
 10 Le recensement des Noirs en France
 11 
							Les Parisiens Noirs
 12 Le Testament du père
 13 L'escrimeur
 14 L'athlète
 15 Picard et Faldoni
 16 Le Concert des Amateurs
 17 Violoniste et Compositeur
 18 La Direction d'orchestre
 19 L'Opéra de Paris
 20 Intrigue
 21 « Le Don Juan Noir »
 22 Le Théâtre Musical
 23 L'Apogée de sa carrière
 24 La Reine 
							Marie-Antoniette
 25 Embuscade nocturne
 26 Un inspecteur de police
 27 « Erreur sur la personnel »
 28 Le Concert de « La Loge Olympique »
 29 Concert pour clarinette
 30 La Chevalière d'Éon
 31 L'influence de Voltaire
 32 « Les Symphonies Parisiennes »
 33 Les Amis des 
							Noirs
 34 La Révolution Française
 35 La Légion 
							Saint-George
 36 Le 13e Régiment de Chasseurs
 37 La Trahison de Dumouriez
 38 Prisonnier
 39 Saint-Domingue
 40 Le Cercle de l'Harmonie
 41 Anne Nanon retrouvée!
 42 La mort du Chevalier
 43 L'exhumation
 44 Les annonces nécrologiques
 45 L'Esclavage
 46 Le Verdict de l'histoire
 47 Rue du Chevalier Saint George
 48 Documentaire : « Le Mozart Noir »
 49 L'Association des Amis de Joseph 
							Bologne, chevalier de Saint-Georges
 50 Les Partitions
 51 Bibliographie
 52 « Un contemporain atypique de 
							Mozart »
 |  | 
				
				
						
						« Un contemporain atypique de Mozart : Le 
						Chevalier de Saint-George » ; Michelle 
						Garnier-Panafieu; YP Éditions (2011). 
						Table des Matières, 
						
						
						No
						51.
				
						
						Échantillons audio :
				1 « Chevalier de Saint-Georges: String 
						
    Quartets » ;
						Coleridge String Quartet ; AFKA
    SK-557 (2003) Quatuor à cordes, N° 
					3
						
						
						  
						 (Période 5:03)
				2 Cedille 90000 035 (1997) ; « Violin Concertos
   By Black Composers of the 18th & 19th
   Centuries » 
				; 
				Rachel Barton, violon ; Encore
   Chamber Orchestra ; Daniel Hege, Conductor
   
				Concerto pour violon, Op. 
				5, N° 2 en la majeur
						Pour les échantillons 
						additionnels, voyez la page Audio ou les pages sur les 
						Concertos pour violon, les Symphonies et les Quatuors à 
						cordes. 
						
						« Créole dans le Siècle des Lumières 
				»
				
					
					
					1 La Redécouverte
					
					
					             
					
					     
					Après deux siècles d'oubli, nous assistons à une 
					« renaissance » de Joseph de Bologne, appelé aussi  Le 
					chevalier de Saint-Georges, l'un des plus remarquables 
					personnages du XVIIIe siècle.  Il est difficile de penser 
					que ce fils d'esclave d'ascendance africaine par sa mère, 
					ait pu gravir tous les échelons de la société française 
					grâce à sa maîtrise du violon et de 
					l'escrime !  Le portrait ci-dessus où il apparaît habillé 
					avant un concert, tenant un fleuret à la place d’un bâton de 
					chef d'orchestre, illustre sa double carrière.  Ce tableau a 
					été peint en 1787 par un artiste américain du nom de Mather 
					Brown.
 
				
					
					
					2 Les CD
     Les liens en haut à gauche mènent à des sélections de 
					CD, des extraits de livrets d’albums et d’échantillons audio 
					dans quatre catégories : des Concertos pour violon, des 
					Symphonies, des quatuors à cordes et des Sonates pour 
					clavecin.
					
					Les concertos pour violon comprennent Monsieur de 
					Saint-George : Quatre Concertos pour violon, Calliope 
					9373 (2007) par Les Archets de Paris.
 
					Parmi les Symphonies nous avons la bande son du DVD Le 
					Mozart Noir. 
					
					Les CD des quatuors à cordes d’Antares, Apollon, Coleridge 
					et Jean-Noël Molard sont mentionnés.
 
					Le récent CD d’Anne Robert Les Dix Sonates pour clavecin 
					a été choisi parmi les enregistrements de cet instrument.   
 
				
				
				3 Les Biographies
				
				
				     Cet essai se réfère à 
				quatre livres biographiques sur Saint-Georges :
 
				(1) Joseph Boulogne, nommé Chevalier de Saint-Georges 
				(1996) par Emil F. Smidak, versions anglaise et française.
				
				(2) The Chevalier de Saint-George: Virtuoso of the Sword and 
				the Bow (2006) par Gabriel Banat.
				
				(3) Le chevalier de Saint-George (2004) by Claude Ribbe 
				en français.
				
				(4) Joseph de Saint-George, le Chevalier Noir (2006) par 
				Pierre Bardin.
				
				
				4 Annales historiques
				     Le professeur Luc Nemeth a fait une 
				communication dans les  Annales historiques de la Révolution 
				francaise – n° 339, janvier 2005, pp. 79-97 :  Un 
				État-Civil Chargé D'Enjeux : Saint-George, 1745-1799 – 
				qui précise la date de naissance du Chevalier et sa filiation. 
				Saint-Georges est né le 25 décembre 1745 et son père est Georges 
				de Bologne Saint-Georges, propriétaire d’une plantation au 
				Bailiff. 
				
				Luc Nemeth mentionne qu’Odet Denys dans son livre Qui était 
				le chevalier de Saint-George – Paris : Le Pavillon, 1972 – 
				est le premier à avoir avancé cette filiation, sans toutefois 
				que son affirmation soit corroborée par des preuves. 
				
				Luc Nemeth précise que « le caractère lacunaire des archives 
				anciennes de la commune du Baillif (Guadeloupe) et la naissance 
				illégitime de Saint-George, enfant naturel d'une esclave, 
				expliquent en partie le flou qui a pu entourer l'état-civil de   
				
				celui-ci : trois dates de naissance différentes ont pu lui être 
				attribuées, non sans quelque bien-fondé pour chacune. » 
				
				
					
					
					5 Naissance
     Le père de Joseph de Bologne s'appelle donc Georges de Bologne de Saint-Georges, riche planteur et membre d'une 
					famille qui vit aux Antilles, dans la colonie française de 
					la Guadeloupe, depuis 1645. 
					
					Le 8 septembre 1739, Georges de Bologne épouse Elizabeth 
					Merican et en janvier 1740 fait  l'acquisition d'une 
					plantation de 50 hectares avec 60 esclaves. 
					Anne, appelé  aussi Nanon, l’une des jeunes esclaves de la 
					plantation, née sur l'île, âgée de 17 ans, et Georges ont un 
					fils qui vient au monde en 1745 et par un heureux présage le 
					25 décembre.  
					Selon les lois en vigueur de l'époque, même reconnu par son 
					père - nobliau français qui sera plus tard titulaire d’une 
					charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi - cet 
					enfant dont la mère est une esclave africaine ne pouvait, au 
					départ, espérer appartenir au corps de la noblesse. 
 
				
					
					
					
					
					6 La fuite 
					                               
					
   Le 17 décembre 1747, Georges de Bologne qui passe la soirée sur la 
					propriété de son oncle Samuel, en vient à se battre en duel 
					avec Le Vanier de Saint-Robert, l’époux d’une cousine, au 
					cours d’une soirée où les convives ont fait ample 
					consommation de 
					« ponche ». Le Vanier est blessé et meurt quelques jours 
					plus tard. 
					
					Georges de Bologne juge préférable de quitter la Guadeloupe 
					en secret afin de se soustraire à des poursuites judiciaires 
					pour homicide. Le 31 mars 1748, il est condamné à mort par 
					contumace pour assassinat et à la confiscation de ses biens.
					Chose surprenante, pour empêcher que Nanon et Joseph, ne 
					soient vendus, Elizabeth, son épouse, quitte l'île avec 
					Nanon, son fils et un esclave nommé François en déclarant, 
					titres à l'appui, que ce sont ses serviteurs.  Joseph 
					célèbre son troisième anniversaire en mer et arrive en 
					France le 4 janvier 1749. 
					Le clan familial des Bologne va user de son influence auprès 
					de la Cour pour que George obtienne la grâce du Roi Louis XV.
					  
					Joseph et ses parents peuvent alors retourner aux Antilles 
					le 2 septembre 1749.  Le manifeste du navire mentionne que 
					Georges est âgé de 38 ans, Nanon de 26 et Joseph de 3 ans.
 
				
					
					
					7 L'enfance 
					                                   
     Joseph est un enfant privilégié sur la plantation.  
					Il a le temps de jouer et son père lui enseigne la musique 
					et l'escrime.  Quand il a huit ans, Joseph voyage vers 
					Bordeaux avec Elizabeth pour aller à l'école et arrive en 
					France le 12 août 1753.  Nanon et Georges débarquent à 
					Bordeaux le 19 septembre 1755 et retrouvent Joseph à Paris 
					qui va vivre avec eux dans le quartier huppé de 
					Saint-Germain.  
					
 
				
					
					
					8
					L'académie d'escrime 
					               
     La vie de Joseph change radicalement 
					l'année suivante.  En octobre 1756, il est admis à 
					l'académie d'escrime de Nicolas Texier de La Böessière, qui 
					accueille quelques jeunes aristocrates comme pensionnaires. 
					Dans cette académie, au cours de la matinée, les élèves 
					suivent des cours de mathématiques, d'histoire, de langues 
					étrangères, de musique, de dessin et de danse.  
					On consacre l'après-midi a l'escrime, discipline importante 
					entre toutes.  L'entraînement d'équitation a lieu aux 
					Tuileries sous la direction d'un maître écuyer. 
					Dans l’avant-propos d’un traité d'armes, publié en 1818, La 
					Böessière fils, prénommé Antoine, consacre quelques pages à 
					son ami Joseph et écrit que Saint-Georges est « l'homme le 
					plus prodigieux qu'on ait vu dans les armes ».
 
				
					
					
					9 Ecuyer   
					    
					                    
     Pierre Bardin nous apprend que le 10 
					mai 1763, Georges achète pour son fils « l’Office d’Ecuyer, 
					Conseiller du Roy, contrôleur ordinaire des guerres » et le 
					8 juin en la Grande Chancellerie de France, les magistrats 
					donnent officiellement leur agrément à cette vente. 
					Cette charge lui permet de prendre le titre d’écuyer. Joseph 
					est alors âgé de dix-sept ans et quatre mois alors que l’âge 
					légal pour exercer cet office est de 25 ans. 
					Une dispense lui a donc été octroyée. Pierre Bardin présume 
					que son père a fait jouer à plein l’article 59 du Code Noir 
					selon lequel « les affranchis ont les mêmes droits, 
					privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées 
					libres ».
					Saint-Georges occupera cette charge durant onze années. Cela 
					peut expliquer pourquoi, lorsque l’on décrétera que la 
					Patrie est en danger, au cours de la Révolution, le 
					Ministère de la Guerre confiera à Saint-Georges le 
					commandement d’un régiment de cavalerie légère.
					
					
					Luc Nemeth est le premier à mentionner - c'est là une 
					précision biographique inédite - que le chevalier de 
					Saint-Georges sera inscrit sur les registres des gendarmes 
					de la garde du Roi le 15 juin 1764 et non en 1761 comme on 
					le pensait précédemment.
 
				
					
					
					10 Le 
					recensement des Noirs en France
					
					    
					Le nombre croissant d'hommes de couleur en 
					France incite le gouvernement à limiter et canaliser 
					l'immigration.  Le « Code  
					Noir » qui régit les rapports entre maîtres et esclaves est 
					en vigueur depuis le XVIIe siècle.  Le 5 avril 1762, le roi 
					Louis XV décrète que les nègres et gens de couleur doivent 
					se présenter au greffe de l'Amirauté dans un délai de deux 
					mois.  Nanon s'y présente et La Böessière se charge de 
					l'inscription de Joseph, son protégé, pour lui éviter le 
					désagrément de comparaître devant les responsables de 
					l'Amirauté. 
					Sur cet acte de recensement en date du 10 mai 1762, retrouvé 
					par Gabriel Banat, Anne Nanon a déclaré être âgée de 34 ans. 
					En outre, nous apprenons que 159 personnes ont ainsi été 
					recensées.
					
					
					
					11 Les 
					Parisiens Noirs    
					
     Pierre Bardin explique dans sa 
					biographie de quelle façon Saint-Georges et d’autres Noirs 
					parviennent à surmonter l’obstacle du racisme et à s’insérer 
					dans la classe moyenne. Il souligne que sans nul doute 
					Saint-Georges était un être supérieurement doué et 
					talentueux mais que ses dons innés ne lui auraient pas 
					permis de réussir dans toutes ses entreprises sans un 
					travail constant. C’est à ce seul prix qu’il atteindra 
					l’excellence, suscitera l’admiration et parviendra à 
					surmonter les préjugés raciaux qui le plaçaient 
					dédaigneusement dans la catégorie des mulâtres.
 
Pierre Bardin cite plusieurs cas de Parisiens d’ascendance 
					africaine insérés dans la société parisienne ou provinciale. 
					Il mentionne notamment un certain André Lucidor, un esclave 
					de l’île de la Martinique, affranchi en 1750, qui venu en 
					France, devient maître d’armes, ouvre une salle à 
					Ménilmontant, épouse une femme blanche avec qui il a des 
					enfants. Bien que les mariages interraciaux soient 
					officiellement interdits, P. Bardin souligne que dans les 
					faits, force n’est pas donnée à la loi. 
 
				
					
					
					12 
					
					
					
					Le testament du père
					
					     
					Pierre Bardin a retrouvé la copie du testament rédigé par 
					Georges de Bologne de Saint-Georges en date du 9 décembre 
					1765, enregistré chez un notaire par lequel il déclare : « Je 
					donne et lègue à demoiselle Anne Nanon, négresse libre, 
					attachée à mon service depuis trente années une somme de 
					trois mil livres. Puis je donne et lègue à Monsieur de 
					Saint-George, Ecuyer, conseiller du Roy, Controlleur des 
					guerres, une somme de cinquante mil livres… »
					Ce testament prouve l’affection et la considération de 
					Georges de Bologne pour son fils et Nanon, la mère de son 
					enfant.
					
 
				
					
					
					13 L'escrimeur
					 
					
					     Joseph étudie à l'académie de La 
					Boëssière pendant six années jusqu'à l'âge de 19 ans.  Tout 
					le monde l'appelle alors le chevalier de Saint-Georges.  
					Voici ce que dit Claude Ribbe sur ce personnage 
					d'exception :
					
					     « Que son titre soit porté à bon droit ou non, ce 
					chevalier passe en tout cas pour inimitable.  Dans tout ce 
					qu'il fait, il excelle et sa réputation naissante l'entraîne 
					malgré lui à enchaîner les exploits.  À dix-sept ans, Joseph 
					est non seulement un sportif accompli mais, déjà, un homme 
					public.  Connu et reconnu, il pratique avec une supériorité 
					déconcertante toutes les disciplines artistiques et 
					sportives auxquelles les jeunes aristocrates négligent de 
					s'adonner autant qu'ils le devraient…
					
					     « Le corps de Joseph étonne ?  Il surprendra 
					davantage quand l'Américain montrera de quelle façon il sait 
					s'en servir. Avec un sens consommé de la provocation, le 
					jeune homme fait de ce corps problématique - que les 
					lecteurs de Voltaire considèrent peut-être comme un produit 
					dégénéré - l'instrument même de sa gloire.  Il se transforme 
					en un objet admirable auquel, pourtant, il refuse de se 
					réduire.   Car ce n'est pas le corps de Joseph qui commande, 
					c'est Joseph lui-même.  Sa propre chair, il la subjugue 
					aussi facilement qu'il sait dompter les chevaux les plus 
					ombrageux. »
					     Et C. Ribbe ajoute : L'épée étant réservée à la 
					noblesse, l'apprentissage des armes, sérieusement réglementé 
					pour écarter les élèves et les maîtres indésirables, est le 
					fait d'une élite.  Figurer parmi cette aristocratie, et à la 
					première place encore, n'est donc pas rien.  Par sa 
					précellence à l'escrime, Saint-George acquiert une position 
					d'invulnérabilité à la fois physique et 
					sociale. »
					Le maître Henry Angelo, maître d’armes qui tient une salle 
					d’armes à Londres, le surnommera plus tard « Le Dieu des 
					Armes ».
					
					
					
					14
					L'athlète           
					
     « On le voyait souvent traverser la 
					Seine en nageant d'un seul bras, et au patinage, son adresse 
					surpassait celle de tous les autres.  En tirant au pistolet, 
					il était rare qu'il manquât son but. », écrit Emil F. 
					Smidak, auteur d'une biographie intitulée «Joseph 
					Boulogne nommé Chevalier de Saint-Georges ». 
En outre, Saint-Georges est aussi un habile danseur et il 
					est remarquable à la course.
 
				
					
					
					15
					Picard et Faldoni
     Quand Saint-Georges a 19 ans, son père 
					promet de lui offrir un cheval et un cabriolet s'il parvient 
					à battre maître Picard, un excellent maître d'armes de Rouen 
					qui a mis en doute l’adresse de Saint-Georges au fleuret.  
					Saint-Georges l'emporte et bientôt on le voit conduire son 
					attelage avec adresse dans les rues de Paris.
					L'année suivante, Gian Faldoni, un talentueux escrimeur 
					italien vient à Paris pour défier Saint-Georges.  Celui-ci 
					refuse d'abord mais Faldoni ayant pris le meilleur sur tous 
					les escrimeurs de Paris qu'on lui a opposés, Saint-Georges accepte de croiser le fer avec lui.  Ce spectacle public 
					attire des aristocrates et de nombreux maîtres d'armes.  Les 
					deux tireurs sont de force sensiblement égale et l'assaut 
					d'armes est superbe. 
					Henry Angelo écrira plus tard que ce fut l'Italien qui 
					l'emporta mais le maître français Posselier, avec une égale 
					dose de chauvinisme avance que Faldoni fut « bel et bien 
					battu ».  (Voir commentaire de l'assaut 
					Faldoni-Saint-Georges dans ce site) : 
					Escrime   
 
				
					
					
					
					16 
					«
					Le Concert des Amateurs »     
					  
     Saint-Georges maîtrise le violon et le 
					clavecin.  Parmi les compositeurs reconnus qui lui dédient 
					leurs compositions, on peut noter Antonio Lolli en 1764 et 
					François-Joseph Gossec en 1766.  On pense qu'il a suivi les 
					enseignements de Jean-Marie Leclair, autre compositeur 
					important de l'époque et qu'il a étudié la composition avec 
					Gossec.  Saint-Georges prend part à la création du « Concert 
					des Amateurs » en 1769.  Gabriel Banat mentionne qu’il en 
					devient le premier violon en 1771. C’est Gossec qui a créé 
					l’orchestre et le dirige.  
					Claude Ribbe donne la composition de cet orchestre :
					« L'ensemble, où se côtoient amateurs et professionnels 
					de l'Académie Royale de Musique et de la Musique du Roi, 
					comprend plus de soixante-dix pupitres dont quarante violons 
					et tailles, douze violoncelles et huit contrebasses, 
					auxquels viennent s'ajouter les vents : flûtes, hautbois, 
					clarinettes, trompettes, cors et bassons. »
					
					
					
					17 
					Violoniste et Compositeur
					
					Saint-Georges a composé une sonate 
					pour flûte et harpe.  Lui et Gossec sont parmi les premiers 
					compositeurs français de quatuors à cordes, de symphonies 
					concertantes et de quatuors concertants.  Ses premiers 
					quatuors à cordes sont joués dans les salons parisiens en 
					1772. « Pendant la saison de concerts 1772-1773, Joseph 
					dirige et joue deux premiers concertos pour violons aux 
					Amateurs », précise C. Ribbe et le journal Le Mercure 
					rapporte qu'ils « ont reçu les plus grands 
					applaudissements tant pour le mérite de l'exécution que pour 
					celui de la composition. » 
					
					Dans le livret du disque Arion 55445 (1999), le violoniste 
					Joël Marie Fauquet écrit :
					
					« Saint-George a tôt acquis une maîtrise de la technique 
					et de la sonorité, de telle sorte que son talent moelleux 
					sur le violon lui faisait quelquefois donner la préférence 
					sur les plus habiles artistes de son temps...»
					
					18 Direction d'orchestre              
     Saint-Georges prend la direction du 
					Concert des Amateurs en 1773, réussissant à mener de front 
					une carrière de chef d'orchestre et de compositeur.  De 1773 
					à 1775, il compose huit concertos pour violon et deux 
					symphonies concertantes. 
					En 1775, deux années après ses débuts de chef d'orchestre,
					« L'Almanach Musical » qualifie cet ensemble de « 
					meilleur orchestre symphonique de Paris, voire d'Europe 
					».
 
				
					
					
					19 
					L'Opéra de Paris 
     Lorsque l’on songe à confier la gestion 
					de L’Académie Royale de Musique à des investisseurs privés, 
					Saint-Georges accepte de se porter à la tête d’un groupe de 
					notables parmi lesquels se trouvaient le fermier général, le 
					Baron Rigoley d’Ogny et le financier Jacques Necker.
					Saint-Georges qui avait fait du « Concert des Amateurs » le 
					meilleur orchestre d’Europe, apparaît alors comme le 
					candidat le plus valeureux pour être porté à la tête de 
					cette prestigieuse institution. 
					Le baron Von Grimm dans sa « Correspondance littéraire 
					et philosophique », rapporte que dès que 
					Sophie Arnould et Rosalie Levasseur, deux chanteuses, et 
					Marie-Madeleine Guimard, première danseuse de l’Opéra, 
					eurent été informées de la candidature de Saint-Georges à la 
					direction de l’Opéra, elles présentèrent un « placet » 
					(une pétition) à la Reine pour lui faire savoir que  «
					Leur honneur et la délicatesse de leur conscience ne leur 
					permettraient jamais d’être soumises aux ordres d’un mulâtre… 
					» Et Grimm ajoute non sans ironie : « Une si importante 
					considération a fait toute l’impression qu’elle devait 
					faire. » 
					Puisque l’on récusait Saint-Georges, à ses yeux le candidat 
					le plus compétent, Louis XVI, mis au fait de cette cabale, 
					lui rendit hommage en ne nommant personne. Il prit la 
					décision de faire administrer L’Académie Royale de Musique 
					par Papillon de la Ferté, l’un des intendants et trésoriers 
					de ses Menus Plaisirs. Or, il se trouvait que ce nouveau 
					responsable de l’Opéra n’était rien d’autre que « l’amant de 
					cœur » de Madeleine Guimard.
 
				
					
					
					20 
					Intrigue
					
					    Gabriel 
					Banat s’est demandé si les préjugés raciaux furent la cause 
					majeure du rejet de Saint-Georges à la direction de 
					l’Académie Royale de Musique. Le placet en question mit 
					certes un terme aux aspirations de Saint-Georges d’obtenir le 
					plus prestigieux poste de France dans le domaine de la 
					musique. Ce fut probablement pour lui la plus sérieuse 
					déconvenue de sa carrière. 
					Saint-Georges se proposait de réorganiser 
					l’Opéra et les réformes qu’il n’aurait pas manqué d’apporter 
					firent craindre à ces dames d’être congédiées et remplacées 
					par d’autres artistes en renom.
					En vérité, chaque membre de cette cabale allait tirer profit 
					de cette intrigue. Les cantatrices furent assurées que le 
					statut quo serait maintenu. De plus, La Guimard, par 
					l’intermédiaire de son amant, aurait virtuellement les 
					pleins pouvoirs à l’Opéra. 
 
				
					
					
					21 « Le 
					Don Juan Noir »
    On 
					a beaucoup parlé du pouvoir de séduction de Saint-Georges 
					qualifié souvent de « Don Juan Noir ».  Le professeur Ribbe 
					voit dans cette appellation de Bachaumont 
					une marque de jalousie.
					
					
					
					
					
					« En attribuant le pouvoir de séduction du Chevalier ni à 
					sa beauté ni à ses qualités mais à son « talent  merveilleux 
					», autrement dit è ses performances sexuelles, Bachaumont, 
					un mémorialiste de l’époque, brode sur un fantasme raciste 
					récurrent qui attribue aux Africains et à leurs descendants 
					une anatomie à la mesure de leur tempérament, c'est-à-dire 
					de leur sexualité supposée bestiale. »
					Saint-Georges a certainement eu au moins une relation 
					amoureuse sérieuse, mais le climat raciste qui règne alors 
					en France lui interdit tout mariage à son niveau social.
 
				
					
					
					22  
					
					Le Théâtre musical
					   
					 Bien 
					qu'il ait été récusé comme directeur de l'Opéra de Paris, 
					Saint-Georges va un peu plus tard être appelé à diriger le 
					théâtre privé de la marquise de Montesson.  Chaque semaine, 
					il donnera deux ou trois représentations.  En outre, sur les 
					instances de la Marquise, épouse de Louis-Philippe, duc 
					d'Orléans, il est nommé lieutenant des chasses du domaine du 
					Raincy situé dans la forêt de Bondy où le Duc possède un 
					château, bâti au XVIIe siècle par l'architecte Le Vau.   
					Pour Ernestine, sa première comédie musicale 
					en trois actes, Saint-Georges n'a écrit que la musique.  Cet 
					opéra fut présenté à la Comédie Italienne le 19 juillet 
					1777. Si la musique fut dans l’ensemble appréciée par les 
					critiques, en revanche le livret reçut un mauvais accueil.
 
				
					
					
					23  
					
					L'apogée 
					de sa carrière 
    
					
					Claude Ribbe estime que vers 1778, on peut considérer que 
					Saint-Georges est à l'apogée de sa carrière.  Il a publié 
					deux symphonies concertantes en 1776 et deux autres en 
					1778.  En 1777, il compose trois concertos pour violon et 
					six quatuors à cordes.
					On a parfois surnommé Saint-Georges « Le Mozart Noir », 
					appellation que récuse Dominique-René de Lerma, spécialiste 
					des œuvres de Joseph Bologne et professeur au département de 
					musique de Lawrence University, dans le Wisconsin.
					Pourquoi ne pas faire totale abstraction de ces 
					considérations de couleur de peau, dit-il ?  Si l'on ne peut 
					s'affranchir de tels préjugés, puisque Saint-Georgess a 
					influencé l'écriture musicale de Mozart, que n'a-t-on appelé 
					Mozart dès lors « Le Saint-Georges Blanc ».
					En fait, Saint-Georges a toujours été une personnalité 
					hors du commun dans le monde de la musique classique.  C'est 
					un musicien et compositeur talentueux mais c'est aussi l'un 
					des meilleurs escrimeurs d'Europe et un colonel héroïque de 
					la Révolution Française.
					Le 12 octobre 1778, Saint-Georges fait jouer pour la 
					première fois « La Chasse », sa deuxième comédie 
					musicale.  Le public lui réserve un accueil enthousiaste et 
					il est unanimement encensé par la presse.
 
				
					
					
					24  
					
					La Reine Marie-Antoinette
					    
					Gabriel Banat souligne que Marie-Antoinette avait reçu une 
					excellente éducation musicale à Vienne à la cour de 
					Schönbrunn. Là, avec ses frères et ses sœurs, 
					Marie-Antoinette suivait journellement un enseignement de 
					chant et de harpe. Le compositeur Christoph Willibald Gluck 
					lui donnait des cours de pianoforte. Elle avait une fort 
					belle voix et pouvait déchiffrer une partition 
					instantanément. Elle avait acquis une excellente oreille et 
					éprouvait un réel enthousiasme pour la musique. En 
					conséquence, elle était devenue la première hôtesse royale à 
					Versailles depuis Marie de Médicis à non seulement apprécier 
					la musique mais également à en être une bonne interprète.
					
					Début 1779, Saint-Georges joue de la musique avec la Reine 
					Marie-Antoinette à Versailles à sa demande et certains 
					courtisans n'apprécient pas qu'il soit l'un des proches de 
					la souveraine. 
 
				
					
					
					25  
					
					Embuscade 
					nocturne
					     
					Dans la nuit du 22 avril 1779, à minuit et demi, 
					Saint-Georges est victime d’une agression qui a fait l’objet 
					de plusieurs récits divergents.
					Pierre Bardin apporte une version très officielle de cet 
					épisode dans la mesure où il fait état du rapport de Louis 
					Michel Roch Delaporte, commissaire du Roi au Châtelet, qui 
					enregistre la plainte de « Joseph Boulogne Saint-George, 
					Ecuyer, Capitaine des chasses de son altesse Monseigneur duc 
					d’Orléans, ayant sa demeure à la Chaussée d’Antin… »
					Alors qu’il est sur le boulevard du Temple en compagnie 
					du baron de Gillier, comte de Saint-Julien, Saint-Georges 
					déclare avoir été attaqué par « huit ou dix individus 
					obéissant aux ordres du Sieur Des Brugnières… » 
					L’un des agresseurs s’en prend à Saint-Georges et lui porte 
					un violent coup de bâton sur le bras gauche. Saint-Georges 
					sort alors son épée de son fourreau, « fait sauter le 
					bâton de l’agresseur et le prend au collet. Une bagarre 
					générale s’ensuit ».
					A ce moment, raconte P. Bardin, Saint-Georges reçoit 
					l’aide d’un ami, Louis de Lespinasse Langeac, officier de 
					cavalerie et gouverneur de Carcassonne qui habite non loin 
					du lieu de l’agression. 
 
				
					
					
					26 
					Un Inspecteur de Police
					
					
					     
					En même temps 
					apparaît un homme en uniforme d’exempt de maréchaussée de la 
					gendarmerie de France. Saint-Georges, respectueux de l’ordre, 
					lui remet son épée. Des Brugnières le tient alors en respect 
					en lui pointant un pistolet sur la gorge et demande à ses 
					gens de lui lier les mains. Tout cela semble providentiel, 
					voire insolite. 
					Selon P. Bardin, « à l’évidence, il s’agit d’un coup 
					monté. « Tous ces gens ont agi et ne se trouvaient pas sur 
					le boulevard du Temple par coïncidence ».
					Saint-Georges exprimera des protestations mais Des 
					Brugnières parviendra à se justifier avec l’aide de 
					l’inspecteur de police en proclamant qu’il n’avait pas 
					pointé son pistolet sur le cou de Saint-Georges mais qu’il 
					avait simplement sorti son arme après avoir été menacé par 
					le plaignant, armé d’une épée. 
					Bref, cet incident d’une extrême confusion fut classé sans 
					suite.
 
				
					
					
					27 « Erreur sur la personne ! »
     P. 
					Bardin pense tenir l’explication de ce guet-apens nocturne. 
					Le commanditaire de cette agression serait un acteur 
					célèbre, nommé Gourgaud dit Dugazon, l’époux de Louise 
					Rosalie Lefebvre, cantatrice talentueuse, connue sous le nom 
					de « La Dugazon », qui avait fait ses débuts à Paris dans « Ernestine », 
					opéra de Saint-Georges.
					Gourgaud, convaincu que son épouse était la maîtresse de 
					Saint-Georges aurait voulu venger son honneur sans oser 
					affronter son rival en un duel loyal et pour cause.
					P. Bardin précise qu’il y eut en l’occurrence « erreur 
					sur la personne » car selon toute probabilité, c’est 
					Lespinasse Langeac qui était l’heureux rival de Gourgaud et 
					non Saint-Georges comme la rumeur l’affirmait. 
					Qui plus est, Lespinasse Langeac serait le père d’Alexandre 
					Louis Gustave, auquel La Dugazon donna naissance et qui fut 
					baptisé en décembre 1780. Preuve ou forte probabilité en est 
					que Lespinasse Langeac prendra soin de constituer une rente 
					viagère annuelle à la dame Dugazon et son fils.
					Après cette agression, Saint-Georges choisit de faire jouer
					L’Amant Anonyme sur la 
					scène du théâtre privé de Mme de Montesson en mars 1780. Peu 
					après il publia deux nouvelles symphonies.
 
				
					
					
					28 La 
					Révolution Française
     
					
					Saint-Georges vit à Lille quand éclate la 
					Révolution en juillet 1789.  Il s'engage dans la Garde 
					Civile un peu plus tard de cette même année.  Il obtient le 
					grade de capitaine en 1790.  Le fait d'être militaire, en 
					garnison à Lille, ne l'empêche pas d'accepter des concerts 
					et de faire des démonstrations d'escrime.  Il écrit même un 
					opéra, Guillaume-Tout-Coeur ou les Amis de village.  
					Le livret est de Monnet, un acteur lillois.  Il crée cet 
					opéra 8 septembre 1790.  
					Les liens de Saint-Georges avec L’Ancien Régime faisaient 
					maintenant de lui un suspect, c’est pourquoi sur certains 
					documents d’archives que l’on a découverts, il signe 
					simplement George.
 
				
				
				29 Concerto pour clarinette
				
				      
				Se référant à L’Almanach Musical, Pierre Bardin mentionne 
				que Saint-Georges composa un concerto pour clarinette qui fut 
				joué pour la première fois par le célèbre clarinettiste Antonio 
				Soler et Le Concert Spirituel au Château des Tuileries le 
				25 mars 1762. Et P. Bardin ajoute :
				
				
				« Ainsi ce concerto précède celui de Mozart. Fait assez 
				exceptionnel pour l’époque où l’on ne jouait une œuvre qu’une 
				fois, ce concerto fit partie du répertoire du Concert Spirituel 
				et fut joué quatre fois de mars à avril, puis repris le 2 
				février et le 15 avril 1783, joué par ce même Soler, le soliste 
				de la Loge Olympique. »
				
				
				
				30 « La chevalière d'Eon »
				
				      
				Homme de lettres, juriste, diplomate, écrivain érudit, capitaine 
				de dragons et héros de « La Guerre de Sept Ans », la vie de d'Eon 
				a inspiré de nombreux auteurs.  C'est un personnage aussi 
				éclectique que Saint-Georges pouvait l'être mais dans des 
				domaines différents, l'escrime étant toutefois l'un de leurs 
				centres d'intérêt communs.
				Dans ses jeunes années, d'Eon est beau comme une fille  avec un 
				corps aussi tonique qu'un danseur de l'Opéra.
				Le Roi Louis XV a l'idée incongrue de confier à d'Eon la mission 
				d'approcher la tsarine Elisabeth Prétrovna revêtu de vêtements 
				féminins pour signer un traité d'alliance.
				Envoyé ensuite comme ambassadeur à Londres, il tombe bientôt en 
				disgrâce et reste en Angleterre où il vit de façon précaire.
				Il aurait accepté de porter définitivement des vêtements de 
				femme à condition que sa pension lui soit restituée afin 
				notamment d'apaiser les inquiétudes de George III, en proie à 
				une jalousie morbide.  Le Roi d'Angleterre est convaincu que son 
				épouse, la princesse Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strélitz, 
				voit d'Eon en secret.  C'est du moins une explication, parmi 
				d'autres, avancée  par les historiens.  
				
				
				Opposer deux escrimeurs talentueux, un « Américain des îles », 
				au Chevalier d'Eon, devenu « Chevalière », apparaît comme un 
				spectacle tout à fait original. D'Eon a 59 ans lors de cette 
				rencontre le 9 avril 1787.  Saint-Georges, quant à lui, n'a que 
				42 ans.  
				
				Le 
				score de l’assaut d’armes qu’ils disputèrent est source de 
				controverses. Gabriel Banat écrit (page 297 de son livre) que 
				Saint-Georges ne fut touché qu’une fois par son adversaire et 
				c’est Saint-Georges qui remporta l’assaut. 
				
				On 
				peut toutefois penser que cet assaut ne fut qu’une démonstration 
				courtoise d’escrime en présence du Prince du Galles et que 
				Saint-Georges fut complaisant en s'opposant à un partenaire en 
				robe.  
				
				On 
				peut rappeler aussi que Saint-Georges n'est déjà plus en 
				possession de ses moyens physiques.  Antoine La Boëssière nous 
				apprend qu'à l'âge de quarante ans, il a le malheur de se rompre 
				le tendon d'Achille du pied gauche.  Cependant, il a toujours 
				une bonne main pour parer et riposter.  En dépit de son âge, d'Eon, 
				escrimeur tout aussi exceptionnel que Saint-Georges, n'a jamais 
				arrêté de s'entraîner.  C'est toujours un escrimeur efficace si 
				l'assaut ne se prolonge pas au-delà de quelques touches. 
				
				
				
				31 L'influence de Voltaire
				
				     
				Quatre mois après cet assaut d'armes à Londres, Saint-Georges 
				crée La Fille Garcon à la « Comédie-Italienne ».  Une 
				fois de plus, la plupart des journaux encensent la musique de 
				Saint-Georges et non le livret écrit par Antoine Eve dit 
				Desmaillot.  
				
				Le 
				baron Melchior, influencé par les idées racistes de Voltaire met 
				en doute le talent novateur du Chevalier. S'il estime que 
				Saint-Georges joue fort bien du violon, en revanche il ose dire 
				qu'il n'a pas un esprit créatif et il ajoute cyniquement  « 
				qu'il serait contraire à la nature qu'il le fût. » Et il ajoute 
				: « Cette pièce est mieux écrite qu'aucune autre de Monsieur de 
				Saint-George.  Et néanmoins elle apparaît également dépourvue 
				d'invention.  Ceci rappelle une observation que rien n'a encore 
				démenti, c'est que si la nature a servi d'une manière 
				particulière les mulâtres en leur donnant une aptitude 
				merveilleuse à exercer tous les arts d'imitation, elle semble 
				cependant leur avoir refusé cet élan du sentiment et du génie 
				qui produit seul des idées neuves et des conceptions originales.
				Claude Ribbe fait remarquer que ce terme « mulâtre » est 
				péjoratif et offensant au XVIIIe siécle tout comme il peut 
				l'être de nos jours. 
				
				
				
				32 « Les Symphonies Parisiennes »
     
				
				Saint-Georges et le « Concert de la Loge Olympique » jouent pour 
				la première fois les « Six Symphonies Parisiennes», nos 
				82-87 de Haydn au cours d'une série triomphale de concerts en 
				1787.  La Symphonie no 85 s'appelle « La Symphonie 
				de la Reine » parce que c'est la symphonie que préfère 
				Marie-Antoinette.
				
				
				
				33 « Les 
				Amis des Noirs »
     
				Les 
				voyages de Saint-Georges à Londres lui permettent d'être 
				introduit dans les cercles qui militent contre l'esclavage.  Il 
				contribue à la création de la  « Société des Amis des Noirs 
				».  
				Le 9 août 1789 il met en scène un spectacle musical pour enfants 
				appelé « Aline et Dupré ou Le Marchand de Marrons ».   Il le joue pour 
				la première fois le 9 août 1788. 
				Un soir, en janvier 1790, par une nuit sans lune, alors qu'il se 
				rend seul à pied à une salle de concert à Londres, son étui de 
				violon sous le bras, un homme le menace d'un pistolet et d'un 
				bâton dans l'intention de le voler.  Il se bat contre le voleur 
				mais voit surgir alors quatre autres agresseurs qu'il parvient 
				seul à mettre en fuite.
				
				
				34 La Révolution Française
				
				    
				Saint-Georges vit à Lille quand éclate la Révolution en juillet 
				1789.  Il s'engage dans la Garde Civile un peu plus tard de 
				cette même année.  Il obtient le grade de capitaine en 1790.  Le 
				fait d'être militaire, en garnison à Lille, ne l'empêche pas 
				d'accepter des concerts et de faire des démonstrations 
				d'escrime.  Il écrit même un opéra, « Guillaume-Tout-Coeur 
				ou les Amis de village » (William-All-Heart or the Village 
				Friends)  Le livret est de Monnet, un acteur lillois.  
				Il crée cet opéra 8 septembre 1790.
				Les liens de Saint-Georges avec L’Ancien Régime font maintenant 
				de lui un suspect, ce qui explique que sur certains documents 
				d’archives que l’on a découverts, il signe désormais simplement 
				George.
				
				
				
				35 La Légion Saint-George
				
				     
				Officier de la Garde nationale, Saint-Georges devient l'aide de 
				camp des généraux François de Houx, commandant de Lille et du 
				général François Miaczynski.  Le 1er septembre 1791, une 
				délégation d'hommes de couleur, conduite par Julien Raimond de 
				Saint-Domingue, demande à l'Assemblée Nationale de leur 
				permettre de combattre pour défendre la Révolution et ses idéaux 
				d'égalité.  Le jour suivant, l'Assemblée approuve la formation 
				d'un corps de troupe, composé essentiellement d'hommes de 
				couleur avec 800 hommes d'infanterie et 200 cavaliers.  
				Saint-Georges en devient le chef de brigade avec le grade de 
				colonel.  L'appellation officielle de cette brigade est « Légion 
				Franche de Cavalerie des Américains et du Midy » mais bien vite 
				elle est connue de tous sous le nom de « Légion Saint-George ». 
				
				
				L'un 
				des chefs d'escadron de cette compagnie allait s'illustrer plus 
				tard dans les armées de la Révolution.  Il s'appelle Alexandre 
				Dumas. Son fils, le célèbre romancier et l'auteur des 
				Trois Mousquetaires portera le même nom que son père.  
				Le général Dumas est né à Jérémie, à la pointe ouest de l'île de 
				Saint-Domingue et tout comme Saint-Georges, il est le fruit des 
				amours d'une esclave noire, Céssette Dumas, et d'un noble ruiné, 
				le marquis Davy de la Pailleterie, propriétaire d'une modeste 
				plantation.
				
				
				36 Le 13e Régiment de Chasseurs
				
				   
				
				Les 
				Autrichiens assiégent Lille et les hommes de Saint-Georges sont 
				parmi les premiers à combattre.  Contrairement à ce que l'on 
				peut parfois lire, Saint-Georges ne craint pas de monter au feu 
				et de se porter à la tête de ses troupes alors que son grade de 
				chef de brigade peut lui éviter de prendre des risques.  Les 
				Autrichiens sont finalement repoussés et Saint-Georges rend 
				fièrement compte à la Convention de sa victoire.  Bientôt 
				toutefois, les responsables du Ministère de la Guerre décident 
				de retirer les hommes de couleur de la Légion pour les envoyer 
				dans les colonies afin de réprimer les insurrections.  Cette 
				brigade prend alors le nom de 
				« 13e Régiment de Chasseurs ».  Des détracteurs de 
				Saint-Georges, y compris Alexandre Dumas, tentent de dénigrer 
				Saint-Georges.  Ils avancent que la troupe est démoralisée et a 
				des problèmes d'intendance, notamment en de matière nourriture 
				et d'équipement.
				
				
				37 La trahison de Dumouriez
				
				     
				Saint-Georges a joué un rôle crucial pour déjouer la trahison de 
				Dumouriez à Lille en avril 1793.  Le général Charles François 
				Dumouriez, vaincu à Neerwinden en Belgique en mars, a entamé des 
				négociations  secrètes avec l'Autriche pour marcher sur Paris.  
				Il entend proclamer le dauphin, Roi de France sous le nom de 
				Louis XVII.  L'armée de Dumouriez s'installe à Maulde à 30 km de 
				Lille.  Miaczinski est envoyé avec 4000 hommes pour établir une 
				base à Orchies au sud-est de Lille.  Le but est de s'emparer de 
				Lille, Douai et Péronne avant de se diriger vers Paris et de 
				rétablir le pouvoir monarchique.  Dumas et Saint-Georges au 
				courant de la conjuration envoient un émissaire pour avertir le 
				commandant de la place de Lille de l'arrivée de Miaczinski qui 
				arrive à Lille avec une escorte réduite.  Celui-ci est arrêté de 
				son arrivée, conduit à Paris et exécuté le 22 mai 1793.  Quant à 
				Dumouriez, il se réfugie à l'étranger.  La République est 
				sauvée. 
				
				
				38 Prisonnier
				    
				Saint-Georges apparaît alors comme un héros mais pas pour 
				longtemps.  Ses liens avec l'aristocratie et son amitié pour le 
				duc d’Orléans, font de lui un suspect. Plusieurs biographes 
				présument qu’Alexandre Dumas ne serait pas étranger aux 
				accusations iniques de malversations qui lui valurent d’être 
				arrêté le 4 novembre 1793 et incarcéré. Fort heureusement, après 
				la chute de Robespierre, le Comité de Salut Public reconnaît 
				qu’il a été destitué injustement. Saint-Georges espère reprendre 
				son commandement mais n'y parvenant pas, on avance qu’il partit 
				pour Saint-Domingue.
				
				
				39 Saint-Domingue
				
				Louise 
				Fusil, partenaire artistique de Saint-Georges, évoque dans ses
				« Souvenirs d’une actrice », ouvrage publié en 1841, sa 
				joie de retrouver Saint-Georges et son ami Lamothe après une 
				longue absence.
				
				Elle les accueille par 
				une vocalise improvisée:
				
				« A la fin, vous voilà! Je vous croyais pendus.
				Depuis bientôt deux ans, qu'êtes-vous devenus? »
				
				Et 
				elle ajoute : 
				
				
				« Non, je ne vous croyais pas précisément pendus mais bien 
				morts, et je vous ai pris pour des revenants. » 
				
				Et 
				Saint-Georges de lui répondre :
				- Nous le sommes, en effet, car nous revenons de loin. 
				
				
				Nous 
				n’en saurons pas davantage. Louis Fusil n’apporte pas d’autres 
				précisions et ne mentionne pas que cette absence soit due au 
				séjour des deux amis sous les cieux de Saint-Domingue. C’est 
				toutefois à partir de ce témoignage que G. Banat pense qu’il est 
				très probable que Saint-Georges a séjourné à Saint-Domingue au 
				moment de l’insurrection des esclaves menée par 
				Toussaint-Louverture. 
				
				En revanche, il est peu probable qu’il ait 
				fait partie de la délégation des commissaires civils 
				envoyés à Saint-Domingue avec, à leur tête, Léger-Félicité 
				Sonthonax, l’ami de Brissot, le fondateur de La Société des 
				Amis des Noirs. 
				
				On n’a trouvé nulle 
				trace de Saint-Georges dans la presse de l’époque
				ou dans les archives des manifestes de 
				navires en partance des ports français pour Saint-Domingue ou 
				effectuant des traversées de retour en France. 
				
				
				En 
				l’absence de preuves pour corroborer cette hypothèse, Pierre 
				Bardin écrit  notamment :
				
				« On prétend qu’après 
				sa mise à l’écart, Saint-George serait parti à Saint-Domingue, 
				combattre aux côtés de Toussaint-Louverture. Ceci paraît pour le 
				moins fantaisiste et ne repose sur aucun document officiel. 
				Soyons réalistes. Comment imaginer qu’un homme aussi célèbre 
				aurait pu partir incognito ?
				Et il 
				ajoute : « Louise Fusil dont la sincérité n’est pas mise en 
				doute, semble mélanger rumeurs et faits réels, ne serait-ce que 
				par l’inquiétude qu’elle avait ressentie sur le manque de 
				nouvelles d’être qui lui étaient chers. »
				
				
				40 Le Cercle de l'Harmonie
     
				Durant 
				le printemps 1797, Saint-Georges revient à Paris et dirige un 
				nouvel orchestre « Le Cercle de l'Harmonie » qui s'établit dans 
				les anciens appartements du duc d'Orléans au Palais-Royal.
				
				
				Vincent Podevin-Baudin et Laure Tressens, lors d’une exposition 
				consacrée au Chevalier de Saint-Georges par les responsables des 
				« Archives Départementales de la Guadeloupe » ont publié un 
				livre, intitulé Le Fleuret et l'Archet avec pour 
				sous-titre Le Chevalier de Saint-George, Créole dans le 
				Siècle des Lumières, citent un article paru sur « Le Mercure 
				», en date du mois d'avril 1797 selon lequel « les concerts qui 
				ont déjà eu lieu sous la direction du fameux Saint-George, n'ont 
				rien laissé à désirer pour le choix des morceaux et la 
				supériorité de l'exécution. »
				
				
				41 Anne Nanon retrouvée!
				
Le 12 février 2015 Pierre Bardin – éminent biographe  du chevalier de 
Saint-George/s - a fait une communication sensationnelle sur le site :
Généologie et Histoire de la Caraïbe – www.ghcaraibe.org/articles/2015-art01.pdf
 
Nous vous en proposons ici un compte-rendu parcellaire en vous recommandant de consulter le lien ci-dessus pour une plus ample connaissance des documents que Pierre Bardin a exhumés des archives notariales et de l’état civil sur Anne Nanon, la mère du Chevalier.
*  *  *  *
  « De tous ceux qui vécurent à ses côtés, une seule personne, ô combien importante, m’échappait : sa mère Anne Nanon, née sur l’île de la Guadeloupe. Ce n’était pourtant pas faute de l’avoir cherchée. Aujourd’hui, cette lacune peut enfin être comblée. »
C’est par ce préambule que P. Bardin nous conte le cheminement de ses passionnantes recherches. Il a retrouvé l’ultime trace de la mère du chevalier de Saint-George.
 
Le décès d’Anne Nanon se situe dans un période difficile de la vie du Chevalier. Arrêté le 26 octobre 1793 et envoyé en détention au château d’Hondainville, près de Clermont sur Oise, il ne sera libéré que le 23 octobre 1794 et tente vainement de reprendre le commandement de son 
régiment.
 
« Sans doute las de tous ces revirements, fatigué par sa maladie (ulcère ou cancer de la vessie), à tout le moins désappointé, sinon amer, il va reprendre l’archet. En peu de temps ceux qui le connaissaient diront qu’il n’avait jamais aussi bien joué », écrit Pierre Bardin.
C’est dans ces circonstances que survient la mort de Nanon le 16 décembre 1795. Lorsque Saint-Georges se rend chez le notaire le 29 mars 1796 pour clore la succession de sa mère, Nanon est morte depuis quatre mois. L’acte notarié nous apprend qu’il est le seul et unique héritier de la défunte, ce qui n’est pas surprenant, mais chose déconcertante, sa mère a changé de patronyme. Il n’est plus question désormais d’Anne Nanon mais de la citoyenne Anne Dannevau.
 
Nous apprenons aussi que Nicolas Benjamin La Böessière, celui qui fut le maître d’armes et le père spirituel du Chevalier, a reçu procuration pour régler la succession.
 
Bien avant sa mort, Nanon a fait établir cet acte notarié testamentaire en date du 18 juin 1778, signé Anne Danneveau « elle donne et lègue à M. de Bologne St- George, demeurant à Paris rue Saint Pierre, tous les biens, meubles et immeubles qui se trouveront lui appartenir au jour de son décès ».
  
Selon Pierre Bardin, la rédaction de ce testament montre une volonté délibérée de Nanon, par amour maternel, de se priver de sa véritable identité pour faire oublier la filiation africaine du Chevalier.
 
Après son mort, les voisins de Nanon rétabliront son identité comme le prouve l’acte de décès en date du 16 décembre 1795 que Pierre Bardin a retrouvé.
 
L’un de ses voisins, le citoyen Jean Dieudonné Descoings, déclare au juge de paix que « ce jourd’hui à onze heures du matin est décédée la Citoyenne Nannon, âgée d’environ soixante ans, demeurant en sa dite maison au quatrième étage sur le devant… La dite défunte était seule et sans aucun héritier présent… »
 
Le juge de paix se rend immédiatement à l’adresse indiquée, monte au quatrième étage et pénètre « dans une chambre éclairée grâce à deux croisées donnant sur la rue des Boucheries » où il aperçu sera porté quatre ans plus tard.
 
Pierre Bardin termine sur une remarque de son épouse » dont « le soutien ne lui a jamais fait défaut » et qui voyant sa perplexité en découvrant ce document lui a dit : « C’est ton nom qui lui a fermé les yeux de Nanon, c’est ton nom qui lui a redonné la lumière. »
				
				
				
				
				42 La mort du Chevalier
				
				Saint-Georges meurt à Paris le 10 juin 1799 d’une infection de 
				la vessie. Là encore, contrairement à ce qui a pu être écrit, sa 
				mort est honorée dignement. Une annonce nécrologique, parue sur
				Le Journal de Paris en date du 14 
				juin 1799 encense le Chevalier pour « son urbanité, la 
				douceur de ses mœurs et la bonté de son âme… », rappelant 
				les mérites qui furent les siens comme escrimeur, son 
				excellence dans tous les « exercices du corps » et ses talents 
				de violoniste virtuose, de directeur d’orchestre et de 
				compositeur.
				Dans son ouvrage biographique, intitulé 
				The Chevalier de 
				Saint-Georges: Virtuoso of the Sword and the Bow, 
				publié en juin 2006, Gabriel 
				Banat a produit le document officiel du décès de Saint-Georges 
				en date du 12 juin 1799 (page 484), mentionnant que c'est 
				Nicolas Duhamel, l'un de ses amis et compagnons d'armes qui a 
				servi sous les ordres du Colonel Saint-Georges, qui a recueilli 
				chez lui le Chevalier et l'a assisté durant sa maladie jusqu'à 
				son décès, survenu le 10 juin 1799. De plus, G. Banat présente à 
				la page 520 un fac-similé de cet acte de décès.
				
				
				43 L'exhumation
				
				En janvier 
				2009, après la publication de sa biographie, P. Bardin a fait 
				une communication inédite sur le blog de Jean-Claude Halley, 
				Président de L’Association des Amis de Joseph Bologne, Chevalier 
				de Saint-Georges [http://halleyjc.blog.lemonde.fr] 
				après avoir découvert un rapport qui atteste 
				de l’admiration que les professionnels des armes vouaient au 
				Chevalier de Saint-Georges. Ce document confirme que cet 
				éclatant Chevalier n’est pas mort abandonné de tous et oublié.
				Cette découverte permet aussi d’apprendre que Saint 
				George fut inhumé au « Temple de la Liberté et de l’Egalité » 
				appelée auparavant l’église Sainte Marguerite, débaptisée comme 
				nombre d’églises sous la Révolution.
				
				Il nous apprend que le 10 juin 1799, le commissaire de police de 
				la Section de Montreuil reçoit quatre personnages à la mise 
				soignée : deux maîtres d’armes, Jean-Pierre Gomard et Philibert 
				Menissier fils, le chef d’escadron Charles François Talmet, et 
				le citoyen Pierre Nicolas Beaugrand, ancien chef de bureau à 
				l’Assemblée Nationale. Ils viennent tous quatre déposer 
				une requête après le décès du citoyen Joseph Bologne dit Saint 
				George, chef de brigade du treizième régiment de chasseurs à 
				cheval, dont le corps a été mis en bière et porté en ce jour au 
				Temple de la Liberté et de l’Egalité, situé au huitième 
				arrondissement :
				
				
				« Comme les déclarants ont 
				connu parfaitement le défunt, qu’ils étaient étroitement liés 
				d’amitié avec lui, désirent exhumer le corps du dit défunt pour 
				le mettre dans un cercueil de plomb. Ils se sont donc présentés 
				devant nous à l’effet de pouvoir parvenir à remplir l’exécution 
				de leurs sentiments, si toutefois rien n’est contraire au 
				principe des lois, affirmant le tout pour être sincère
				et véritable et ont 
				signé avec nous après lecture 
				faite. »
				
				
				44 
				
				Les annonces 
				nécrologiques
				Claude 
				Ribbe mentionne également que des avis de décès sont insérés 
				dans les journaux de l'époque et célèbrent le défunt avec 
				respect et émotion.
				Il précise aussi qu'un éditeur de musique a publié des 
				partitions posthumes du Chevalier, un concerto pour violon et 
				une série de sonates.
				Luc Nemeth fait état d'une brève qui paraît dans 
				Le 
				Journal de Paris 
				le 14 juin 1799 pour signaler le décès de Saint-Georges mais qui 
				souligne davantage ses mérites dans les « exercices du 
				corps » - c'est ainsi que l'on appelait alors les disciplines 
				sportives, les armes, la danse et l'équitation - que ses talents 
				de violoniste et de compositeur. « 
				C'est que déjà », 
				estime Luc Nemeth, « 
				le célèbre mulâtre incarnait, 
				aux yeux de son époque, un passé éloigné. »
				
				
				
				45 L'esclavage
     
				La 
				Convention abolit l'esclavage dans les colonies françaises en 
				février 1794.  L'idéal d'égalité pour lequel Saint-Georges et 
				ses volontaires de couleur ont combattu si bravement est bientôt 
				ignoré.  Napoléon Bonaparte envoie des troupes à la Guadeloupe 
				et à Saint-Domingue avec pour mission le rétablissement de 
				l'esclavage. 
				Sous la conduite de Louis Delgrès, tous ceux qui se 
				considéraient désormais comme des Guadeloupéens libres se 
				révoltent mais le 28 mai 1802 ils sont battus par les troupes du 
				général Antoine Richepance. 
				Plutôt que de vivre à nouveau dans les fers de l'esclavage, des 
				centaines d'insurgés se donnent la mort.
				Louis Delgrès, officier noir, colonel des armées de la 
				Révolution, refuse de se soumettre.  Après avoir résisté au fort 
				Saint-Charles, il gagne la montagne avec trois cents hommes.  
				Quand les troupes de Richepance l'encerclent plutôt que de se 
				rendre, il met le feu aux barils de poudre qu'il détient.  Il 
				meurt avec ses hommes dans l'explosion mais provoque aussi la 
				mort d'un grand nombre de soldats de Richepance.
				L'abolition définitive de l'esclavage ne sera effective qu'en 
				1848.  La tentative de reconquête de Saint-Domingue entraîne la 
				mort de milliers d'insurgés et de soldats commandés par Leclerc, 
				le beau frère de Napoléon.  Les gens de couleur qui vivent en 
				France souffrent alors de discrimination.  Le 29 mai 1802, un 
				décret officieux met à l'écart tous les officiers de couleur de 
				l'armée, mettant un terme à la brillante carrière du général 
				Alexandre Dumas. 
				
				
				46 Le Verdict de l'Histoire
     
				Le 
				Professeur Ribbe déplore que « les manuels d'histoire disent 
				bien peu de choses du chevalier de Saint-George ou du million 
				d'esclaves déportés aux Antilles françaises, que Voltaire soit 
				honoré comme le plus brillant des humanistes et Napoléon, comme 
				le plus glorieux des hommes d'état. »
				
				
				
				47 Rue du Chevalier Saint-George
    Pendant 
				de nombreuses années, Paris comptait une rue portant le nom de 
				rue Richepance. En 2001, la ville de Paris a décidé de 
				rebaptiser cette rue pour en faire la rue Saint-George, à la 
				demande des citoyens français, originaires des Antilles. La 
				première plaque commémorative apposée dans cette rue mentionnait 
				que Saint-George avait été « Colonel de la Garde 
				Nationale ». L’historien Luc Nemeth a écrit a ce sujet : « On ne 
				pouvait pas mieux mentir par omission plus de deux siècles après 
				que le décret de décembre 1792 eut privé le régiment de son 
				identité, à savoir « La Légion Noire ». Cette première plaque 
				mentionnait aussi 1739 comme étant la date de naissance du 
				Chevalier, alors que pour les historiens et les biographes 
				faisant autorité, la date exacte est 1745. Gabriel Banat, auteur 
				d’une biographie, intitulée The Chevalier de Saint-Georges: 
				Virtuoso of the Sword and the Bow (2006), qui est la 
				référence biographique en anglais, a entrepris de patientes 
				démarches pour que les plaques de cette rue soient changées. Le 
				25 mars 2010, le cabinet du Maire de Paris l’a informé de ces 
				changements.
				Monsieur,
				Vous avez appelé mon attention sur les plaques signalétiques de 
				la rue du Chevalier de Saint-George, souhaitant que le texte 
				soit modifié. Vous voudrez bien trouver ci-joint la photo des 
				nouvelles plaques qui seront prochainement apposées. Je vous 
				prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes meilleurs 
				sentiments. 
				Philippe LAMY 
				
				Les 
				nouvelles plaques identifient, cette rue comme étant la « Rue du 
				Chevalier Saint-George » et donnent comme dates « 1745–1799 ». 
				Elles mentionnent qu’il fut « Colonel de la Légion des 
				Américains et du Midi », légion composée en majorité de 
				volontaires noirs que Saint-George commanda.
				
				
				
				
				48 Documentaire : « Le Mozart Noir »
    
				Le 
				chaîne de télévision TV5 au Québec a, le 10 avril 2003, présenté 
				un documentaire de 52 minutes intitulé Le Mozart Noir:
				Rétablir une Légende.
				L'acteur Kendall Knights incarne Saint-Georges au cours de 
				scènes dramatiques entrecoupées de commentaires historiques et 
				d'extraits de ses œuvres musicales exécutées par l'Orchestre 
				Baroque Tafelmusik, dirigé par Jeanne Lamon.  Ce documentaire a 
				été diffusé dans un grand nombre de pays.  Site Web :  
				
				
				www.lemozartnoir.com 
				
				
				
				49 L'Association des Amis de Joseph Bologne, 
				
				
				chevalier de Saint-Georges
				
				      
				Le siège de 
				L’Association des Amis 
				de Joseph Bologne, chevalier de Saint-Georges, présidée par 
				Jean-Claude Halley est en Guadeloupe.  
				E-mail :  
				
				halleyjc@wanadoo.fr 
				
				
				50 Les Partitions
				
				Les 
				partitions du chevalier de Saint-Georges sont disponibles
				à :  
				
				www.artaria.com 
				et 
				
				http://www.omifacsimiles.com/cats/minkoff.html
				
				
				51 Bibliographie
				
				
				
				Archives Départementales de la Guadeloupe.  Le Fleuret et 
				l'Archet : Le Chevalier de Saint-George, Créole dans le Siècle 
				des Lumières, Bisdary - Gourbeyre, 2001.
				
				Banat, Gabriel.  Le Chevalier de 
				Saint-George: Virtuoso of the 
				Sword and the Bow, Pendragon Press, 2006.
				
				Bardin, Pierre.  Joseph de Saint-George, le Chevalier Noir. 
				France : Guénégaud, 2006.
				
				
				Everyman’s Dictionary of Music, compilation de Eric Bloom, 
				revise par Jack Westrup, Professeur de Musique, 
				Oxford University. New York: New American Library, 1971.
				
				Guédé, Alain.  Monsieur de Saint-George : Le nègre des 
				Lumières.  Arles, Actes Sud, 1999.
				
				
				Harvard Biographical Dictionay of Music, publié par Don Michael 
				Randel, Cambridge, Massachussetts & Londres, Angleterre : 
				Belknap Press of Harvard University Press, 1996.
				
				Marciano, Daniel.  Le chevalier de Saint-George, le 
				fils de Noémie.  France : Thespis, 2005.
				
				
				Microsoft Encarta Africana Encyclopedia, sur CD-ROM et dans 
				un livre publié par Basic Civitas Books.  Kwame Anthony Appiah 
				et Henry Louis Gates, Jr., Redacteurs.
				
				Nemeth, Luc.  Un État-Civil Chargé D'Enjeux : Saint-George, 
				1745-1799.  Annales historiques de la Révolution française, 
				2005, N° 1.
				
				Ribbe, 
				Claude.  Le chevalier de Saint-George.  France : Perrin, 
				2004.
				
				Smidak, 
				Emil F.  Joseph Boulogne nommé Chevalier de Saint-George.  
				Lucerne : Avenira 1996.
				
52 Un 
contemporain atypique de 
Mozart : Le Chevalier de Saint-George ; 
Michelle Garnier-Panafieu ; 
YP Éditions (2011)
Saint-George, compositeur : l’excellence de sa 
musique instrumentale qui privilégie le violon
Rhétorique et composition
Son 
style se fonde sur des procédés rhétoriques qui, relevant de l’imitation de la 
nature prônée au XVIIIe 
siècle par les philosophes (de Du Bos à Chabanon) et les théoriciens de la 
musique (de Brijon à Cambini), font référence au Chant comme élément 
essentiel de l’écriture. Au modèle vocal et à ces procédés (répétition, 
périodicité, alternance, contraste, variété) utilisés pour structurer le 
discours et exprimer les passions s’ajoutent des influences françaises (art 
chorégraphique, style sentimental et romance), italiennes (virtuosité 
violonistique) et allemandes (Ecole de Mannheim, Sturm und Drang). 
 
L’apanage des concerts privés : quatuors à 
cordes et sonates
Il 
fit ses armes de compositeur dans le genre novateur du quatuor à cordes 
dont il fut l’un des principaux protagonistes (dix-huit en trois opus :
Œuvre I en 1773, 2e 
Livre en 1778, Œuvre 14 en 1785). En deux mouvements (du type
Allegro – Rondeau ou Aria con variazione) caractérisés par 
une thématique souple, gracieuse, souvent teintée de mélancolie et par des 
Rondeaux pleins de vivacité (où alternent modes majeur et mineur), 
ils illustrent le quatuor concertant où abondent les Soli.
Orfèvre dans sa musique de chambre élégante et 
raffinée (citons ses Sonates Pour Le Clavecin ou Forté Piano avec 
Accompagnement de Violon Obligé, de style galant, 1781, et ses brillantes 
Sonates pour le Violon – deux violons – 1799), il exprima 
magnifiquement la spécificité de son style dans ses œuvres orchestrales. 
 
A la conquête du concert public : symphonies 
concertantes, symphonies, concertos pour violon
S’il 
fut l’un des meilleurs représentants de la symphonie concertante, genre 
typiquement français (huit entre 1775 et 1782 : deux Œuvre VI, 
deux Œuvre IX, deux Œuvre 
X, une 
Œuvre 
XII, une Œuvre 
XIII, destinées à deux violons 
principaux auxquels s’adjoint un alto dans l’Œuvre
X et majoritairement en 
deux mouvements Allegro – 
Rondeau d’allure vaudevillesque), 
il contribua aussi à l’épanouissement de la symphonie (deux Œuvre XI, la 
seconde étant l’ouverture de L’Amant anonyme). 
Mais 
ce sont ses quatorze concertos « à violon principal », composés pour son propre 
usage et publiés entre 1773 et 1778 (citons les 
Œuvres II, III, IV, V,
VII, VIII) sauf le dernier, 
posthume, en 1799, qui témoignent le mieux de sa technique hardie et pleine 
d’éclat (batteries, grands écarts mélodiques, contrastes de registres). 
Instrumentés pour cordes et vents (deux flûtes, deux hautbois et deux cors ad 
libitum), ils adoptent le plan vivaldien (Allegro où alternent
Tutti et Soli, Adagio ou Largo expressif et 
influencé par l’écriture lyrique, Rondeau). 
 
Théâtre lyrique et musique vocale : un domaine peu exploré 
 
Si 
ses comédies à ariettes sont mal connues (sauf pour L’Amant anonyme, on 
n’en possède pas de partition complète), ses airs et romances jouirent d’une 
grande vogue dans les salons comme celui de Madame de Chambonas. Une Chanson 
de l’opéra de M. de St.-George  
(« Soir et matin sur la fougère », extraite de La Chasse) figure dans un 
recueil de Grénier, maître de harpe de Marie-Antoinette, vers 1783 (p. 31-33 et 
Documents Nos 
4 à 6b). 
Son Œuvre musical relève encore du domaine de la 
Recherche. Il fut bien l’un des meilleurs représentants de l’esthétique 
concertante des Lumières et l’un des maillons essentiels de la chaîne 
musicale qui, de Rameau à Berlioz, assura la transition du Baroque au Romantisme.
Professeur Michelle Garnier-Panafieu
Musicologue, Université Rennes II
Droit d'auteur
 
				
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			01/01/16